Consultation

XVIII, folios:317 318
Montauban de Voguedemar, Pierre de, chevalier de Malte
M. de Gordes
Lettre non liée
25/09/1572
Laval
Embrun

Transcription

Les mots surlignés font l'objet d'une note

1

Monsieur, estant arrivé en ce lieu de mon retour de Levant et ne

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pouvant pour cestheure vous aller baiser les mains comme

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je desirerois et que le debvoir m’y oblige, parce que

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j’ay commandement exprès qui me fust faict lhorsque je

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feuz deslivré d’aller treuver sa magesté pour me rendre

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à luy de la part du Grand Seigneur, je n’ay voullu failhir,

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monsieur, vous escripre ce mot pour vous remercier de

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tant de faveurs et honneurs qu’il vous a pleu me

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prouchasser, vous suppliant, monsieur, de croire qu’il n’y

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aura jamais gentilhomme en France qui vous soit plus

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serviteur que moy, ny que de meilheur cœur vous face

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service, lhorsqu’il vous plairra de me commander.

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Je laissey à l’armée du Turc monsieur le chevallier

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de Claveisson, le XXVIe de juing ; estant arrivé en

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Constantinople, le penultiesme dudit, je fus mis en

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liberté le deuxiesme de julliet ; je solliciteys pour ledit

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sieur chevallier monsieur l’evesque d’Actz, ambassadeur

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pour sa magesté, tant qu’il alla parler à Marmet Baschas,

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luy remonstrant comme Lochielly avoit detenu ledit

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chevallier, le priant bien fort que, puisque le Grand

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Seigneur en avoit faict présent à ung si grand roy comme

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est sa magesté qu’il commandast le faire venir en Constantinople,

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ce que fust faict incontinant ; et espère, Dieu aidant, qu’il

24 [barré : sera] est à ceste heure en liberté et qu’il sera bientost en ce 25

pays de retour. J’ay entendu que en ce païs on disoit

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que quelcung de mes compagnons s’estoit renyé.

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Monsieur, je vous puis asseurer que jamais n’y

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[v°] a heu chevallier qui ayt pencé à faire si grand faulte, mais

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les ay tous cogneus si chretiens que premier que de s’oblier

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jusques là, ilz endureront la mort. Je lairrey ce

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propos, monsieur, pour vous dire que l’armée turquesque

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est de deux centz vingt trois gallères et XXVII galliottes.

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J’en ay conté cent XXXIX qui estoient à l’armée de Lochielly

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et cinq galliasses, lesquelles galliasses estoient fort

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bien armées : sur checune avoit trois centz hommes de

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combat et vingt grosses pièces de bronze. Les gallères

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estoient mal armées et n’y avoit presque point de

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mariniers, combien que j’aie veu à Constantinoble de

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trois à quatre centz carmocellis, desquelz lesdit Ochielly

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avoit prins les meilhieurs mariniers. Il partist

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le XXVIe de juing avec son armée pour aller espalmer,

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assir et se joindre avec Cargely qui avoient le

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surplus de vaisseaulx jusques audit nombre de deux centz

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cinquante, entre lesquelles il y en avoit environ huictante

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qui n’avoient point des canons. Ladite armée turquesque

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et celle de la Ligue se sont descouvertes le XVIIIe

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du moys passé de sy près que le seigneur Marc

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Anthoine Collonne feist mettre en batailhe son armée,

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de laquelle il feist trois esquadrons. Lochielly fist

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de mesmes et faisoient si bonne mine d’ung costé

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et d’aultre que chascung jugeoit qu’on donrroit la

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batailhe. L’esquadron de main gauche du seigneur

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Marc Anthoyne allast pour investir celluy que luy

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estoit par front de l’armée turquesque et s’approcharent

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si près, que cellon les nouvelles que en a heu son

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[318] Altesse à qui je fus baiser les mains à Turin,

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se tirarent canonades les ungs aux aultres,

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et par la relation qu’a faict despuis ung de

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Marceille s’estant sauvé de ladite armée, l’on mit

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à fonds deux ou trois gallères turquesques, le

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reste dudit esquadron se retira à la batailhe,

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les nostres ne luy purent donner chasse à cause

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des nautz que remorquions et aussi que le vent

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leur estoit contraire, de sorte que les nostres se

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retirarent à Ogentes où ilz heurent nouvelles que

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le seigneur Dont Jehan d’Austria estoit à Corefoud

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avec cinquante gallères, ilz se devoient partir

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pour se joindre tous ensemble. Je prie Dieu qu’ilz

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puissent faire quelque chose de bon pour sa magesté

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et du christianisme, mais pour ceste année, je crois

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que si à ceste heure ilz nont faict quelque chose,

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ilz seront contrainctz de se retirer à cause de l’hyver.

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Et en cest endroict, je ferey fin, après avoir supplié

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le Createur,

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Monsieur, vous donner en parfaicte santé très heureuse et

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très longue vie. D’Ambrun, ce XXVe septembre 1572.

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Vostre très humble et plus hobligé serviteur

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Le chevalier de Voguedemar

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